Alexandre Roubtzoff , deux tableaux de Constantine


la vie d'Alexandre Roubtzoff ressemble par bien des points à celle de ces émigrés russes du début du siècle qui ont erré longtemps, dépouillés de leur terre et de leur culture, à la recherche d'un ailleurs prometteur où vivre et se réaliser pleinement. Pour Roubtzoff, cet ailleurs fut indéniablement la Tunisie. Lorsqu'il y séjourne pour la première fois en avril 1914, il ignore encore qu'il ne reverra pas son pays natal, par contre il sait déjà qu'il a trouvé une seconde patrie : " Si je tiens à vivre toujours ici c'est qu'ailleurs j'aurais la nostalgie de la lumière ". Certes, l'Orient ne lui était pas inconnu. Déjà, en août 1900, un voyage en Crimée tartare lui avait donné un avant-goût de ce monde oriental. Plus tard, en 1913, un séjour à Tanger le pousserait irrémédiablement vers les pays du soleil. Mais c'est à Tunis véritablement que Roubtzoff connaît l'éblouissement.
Né à Saint-Pétersbourg, le 24 janvier 1884, Grand Prix de l'Académie Impériale des Beaux-Arts de cette même ville en 1912 pour son tableau Intérieur de style empire (aujourd'hui au musée de l'Ermitage), le Slave est à jamais séduit par la luminosité du pays qu'il découvre. Mais à la différence des premiers orientalistes qui ne faisaient bien souvent qu'une brève incursion en terre orientale, lui, décide de rester. La Tunisie lui offre sa lumière, "cette richesse infinie de nuances de blanc à l'exception du blanc absolu qui n'existe pas " ainsi qu'un répertoire de sujets totalement inédits et c'est avec la boulimie de l'émerveillement qu'il va inventorier chaque parcelle de cette vie tunisienne si " diamétralement opposée à la vie européenne ". L'abondance de sujets à peindre et à dessiner est telle, dit-il, qu'il ne veut plus perdre un temps précieux à se raser et il se laisse pousser la barbe : "De glabre à Saint-Pétersbourg, je deviens barbu à Tunis ".
Sollicité de toute part, Roubtzoff se livre dans ses dessins et ses peintures à un véritable recensement exhaustif de tout ce qui fait l'Orient : vieilles rues de la Médina, portes cloutées, souks cafés, marabouts, scènes de la vie quotidienne... Rien n'échappe à son regard subjugué, pas même cette antiquité vivante qui transparaît dans le costume des populations arabes. " Rome n'est plus dans Rome " selon la formule fameuse de Delacroix mais ce sont les grands noms de la sculpture grecque que Roubtzoff cite pour évoquer les plis des burnous et autres haïks : " Figés dans leurs attitudes sculpturales et nobles, ils (les Bédouins) offrent une harmonie de plis et de silhouettes de telle beauté que c'est vers eux que Phidias, Praxitèle ou Lysippe auraient tourné leurs regards... "
Très vite cette admiration se double d'une profonde prise de conscience : " Sauver de l'oubli les vieilles modes de l'Orient qui sont réellement belles ". Sa fascination pour les tatouages des Bédouines n'est ainsi rien d'autre qu'une tentative éperdue pour garder en mémoire les traces d'un monde ancestral qu'il sait menacé. Thème de prédilection des carnets de croquis mais aussi d'oeuvres plus abouties, à la plume ou à la mine de plomb, les tatouages ne cesseront de passionner l'artiste au point de rédiger même plusieurs articles sur la question dans la revue " Tunisie ". Bien sûr, devant ce type de dessins qui isolent un bras, une jambe et refusent toute anecdote, on a vite fait de parler d'orientalisme réaliste voire ethnographique. Il y a de cela certes chez Roubtzoff mais il n'en a pas pour autant oublié la figure humaine.
Pour preuve, le portrait de Babiza, saisi en 1944, dont le regard soutenu évoque bien la fameuse fierté bédouine. Ou le visage de cette mère dansZohra et Salha qui semble inquiète d'être peinte. Il y aura chez Roubtzoff un intérêt croissant pour les physionomies et l'expression des sentiments. Si les premières toiles orientalistes, contemporaines de son arrivée à Tunis, accordaient encore une place prépondérante aux bijoux et autres accessoires (Ouled-Naïl de Biskra, 1916, Messaouda la Bédouine, également de 1916), voire au décor (Bournia, 1917), il n'en est plus de même à partir des années vingt. Saisir l'intimité d'un être, d'un visage, d'un peuple, voilà désormais ce qui préoccupera notre peintre et qui transparaît à maintes reprises à la vue de ces oeuvres.​​​​​​​

LOT n°39

Alexandre ROUBTZOFF

Alexandre ROUBTZOFF (1884-1949) - Constantine - Huile sur toile sur carton signée en bas à droite et datée 1937 12 fév. - Titrée Constantine en bas à gauche - 20 x 27 cm

 
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LOT n°40

Alexandre ROUBTZOFF

Alexandre ROUBTZOFF (1884-1949) - Constantine - Huile sur toile sur carton - Signée, située Constantine, et datée 29-30 mai 1938 en bas à droite - 54,5 x 38 cm

 
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